13/09/2006
PROMENONS NOUS AVEC LE DIABLE EN PAYS D'AZUR !
A TOURETTE LEVENS :
LE CHATEAU DU DIABLE
Tout près de Nice, à la sortie de l’autoroute Nice-Est, une petite route grimpe en lacets vers l’Abadie, en direction du plan de Revel (suivre cette indication).
Une dizaine de kilomètres plus loin, la vue s’étend très vite sur Nice, depuis son port jusque vers le Cap d’Antibes et l’Estérel.
Après s’être arrêté au col où débute la descente vers Tourette-Levens, il vous faudra abandonner votre véhicule pour partir à pied sur le sentier de la légende, vers les ruines du château de plan de Revel dont les murailles quadrangulaires s’élèvent à un quart d’heure de là, sur un promontoire rocheux.
Le plus ancien document écrit du Comté de Nice, en l’an 999 (Chartrier de l’Abbaye de Saint Pons), nous apprend que Roger Miron, vicomte de Nice, premier seigneur de Tourrette-Levens et son épouse Odile lèguent à l’Abbaye de Saint Pons, un vaste domaine situé sous la place forte de Revel (déjà dressée) et qui correspond précisément au village de Saint André.
Désormais, la partie cédée prendra le nom d’Abadia (abbaye en niçois) : c’est la naissance du quartier de l’Abadie, cette colline dominant le Paillon, aujourd’hui partagée entre quatre communes (Saint André, Tourrette-Levens, Nice et Cantaron). De là-haut, d’un seul regard, on surveille la ville et la Baie des Anges, on peut aussi y contempler mille ans d’une riche aventure.
Si la donation de 999 résonne comme un acte fondateur, elle porte aussi les stigmates de la grande peur de l’an mil ! Une angoisse millénariste qui, au début de notre nouveau millénaire, étreint encore certains…Un effroi devant l’inconnu qui peut être à l’origine d’actes de générosité, comme celui du seigneur Miron.
Ce chef de guerre local, possesseur d’un immense domaine et compagnon de Guillaume le libérateur qui vient de bouter les Sarrasins hors de Provence, redoute l’apocalypse prophétisée pour l’an mil.
En décembre 999, à quelques jours de l’échéance fatale, il fait don du quart de ses terres aux moines de Saint Pons, à charge pour eux de prier pour la sauvegarde de son âme.
« Moi, Miron et mon épouse Odile qui avons les mêmes pensées au sujet de la miséricorde de Dieu et craignons le jour du Jugement…nous faisons un don au monastère, c’est le quart du domaine que l’on appelle Roc Saint André… »
Ainsi débute dans la peur, l’histoire d’un des plus anciens châteaux des Alpes Maritimes. Plus tard, l’historien Bonifacy affirme que le village primitif de Clans, dans la vallée de la Tinée, désigné comme le Poët, disparut à la suite de la destruction par les hommes du château de Revel. Il ajoute que les gens du Poët qui avaient commis de graves excès furent tous tués.
Après cette expédition sanglante, le château de Revel se voit paré de multiples et sinistres identités toutes chargées de singulières présences.
« Château des voleurs », si les voleurs ont disparu, bien peu de chose nous restent de cette austère construction. Les Tourretans l’appellent encore le «Château du Diable » et nous sommes bien là aux portes de l’étrange ! En face à Falicon d’où l’on aperçoit le plus grand pan de mur, on le traite irrévérencieusement de « Capelette » (petit chapeau), car ce fut une immense bâtisse. Château du plan de Revel, telle est son appellation officielle.
Le nom de Revel renvoie à l’une des plus anciennes familles nobles du Comté de Nice, un temps détentrice du fief et dont les membres s’illustrèrent à la tête des armées de la Maison de Savoie, aussi bien pendant les guerres contre-révolutionnaires de 1792-1796 que durant la Seconde Guerre Mondiale.
De plus, on ne saurait mieux comparer l’architecture du Château du plan de Revel, à celle de Montségur, tout aussi gâté par le mystère.
Comme Montségur, la demeure des Revel s’élève sur une plate-forme calcaire, formant terrasse naturelle sur un éperon allongé.
Du « Château du Diable », il ne subsiste qu’un angle encore imposant et quelques morceaux de muraille épaisses, mais rasées presque au sol.
Si certains chercheurs n’ont pas craint de découvrir à Montségur un immense calendrier astronomique, nous nous garderons de les suivre à propos de Revel.
Bien que ses ruines, assez fantastiques et malaisées à gagner, indiquent que le bâtiment était construit lui aussi en à-pic sur toutes ses faces et approximativement orienté, comme le célèbre temple refuge de la foi cathare.
Notons que l’histoire des Alpes Maritimes confirme la présence des Albigeois dans cette zone carrefour, située au XIII ème siècle entre les colonies du Languedoc et celles de l’Italie du nord, voisines du monde bogomile, à l’origine de la nouvelle religion.
Romée de Villeneuve, sénéchal de Provence, fut dans l’obligation de lutter contre les hérétiques. Venant de l’Italie ou chassés du Languedoc par les barons du Nord, les Cathares s’installent dans la région, principalement à La Gaude. Une église y est installée et nous trouvons mention d’un évêque cathare dans cette localité. Bientôt l’Inquisition s’en mêle, ses archives de Lombardie à Milan font état de quatre « brûlements » à Vence, au lieu-dit « l’Enfer », en présence de l’Inquisiteur de Nice, frère Giacomo et de l’évêque du diocèse, le 19 juillet 1241. Il en sera de même à La Gaude et Gattières.
Les bûchers purificateurs s’allumeront plus tard à Péone et Sospel pour anéantir les derniers Albigeois venus s’y réfugier.
Porté comme un anathème, le titre de Château du Diable, pour celui de Revel, confirmerait que la forteresse abrita probablement le siège local de l’hérésie cathare.
Mais là ne s’arrête pas les mystères du Château du Diable !
La légende, reprise par des ésotéristes contemporains, affirme qu’un fabuleux trésor est encore caché sous ses ruines. Voici environ une soixantaine d’années, un curieux personnage mobilisa les cultivateurs du plan de Revel, pour en assurer la recherche. Après quinze jours de fouilles intensives, il s’avoua vaincu et repartit sans le fameux magot.
En fait, tout le quartier proche du château conserve une auréole de mystère.
Au pied du promontoire, près du col, deux bâtisses ruinées couvertes de ronces sont toujours désignées sous le nom de « Maisons des Barbets ».
La route voisine reprend d’ailleurs le tracé de l’ancienne voie romaine, empruntée depuis la plus haute Antiquité pour se rendre vers Levens et le Haut Pays, jusqu’à l’ouverture récente des gorges du Paillon. Ce chemin fut parcouru de tout temps par les caravanes de voyageurs et de commerçants, attendus là sans doute par les terribles Barbets, à l’époque trouble de la Révolution française.
Les vieux se souviennent qu’avant la Première Guerre Mondiale, des paysans découvrirent des restes macabres en labourant les champs de vignes, proches des deux bâtiments. Au total, près d’une cinquantaine de squelettes furent exhumés, rangeant les « Maisons des Barbets » au nombre des sinistres «auberges rouges ».
Si nous sommes réduits aux hypothèses en remontant le temps, le voile s’épaissit davantage sur la destination première de ce promontoire fortifié : sans doute castellaras au temps des premiers Ligures, comme en bien d’autres lieux dominants des champs cultivés, puis probablement, un poste d’observation combiné à un temple, sur le bord de la voie romaine et enfin un passage protégé par le château au Moyen-Age. Il deviendra plus tard un point d’embuscade à l’époque où séviront les bandits de grand chemin.
Quel trésor se cache encore en ces lieux chargés de présence ? Celui des Cathares chassés comme hérétiques ? Ou celui des Barbets détrousseurs de voyageurs ? Château du Diable ou « des voleurs », le « Montségur niçois » cache encore une large part de ses mystères.
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08:30 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : HISTOIRE
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