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05/11/2011

LA CAÏNÉE UN VILLAGE OUBLIÉ PROCHE DE PIERREFEU (VALLÉE DE L'ESTERON)

CHAPELLE DE L'ERMITAGE DE LA BALME.jpg

Les ruines muettes et par la même inquiétantes de villages disparus nous interpellent par-delà les siècles, comme autant d’énigmes à déchiffrer. L’abandon est d’autant plus étrange que le village fut prospère, tel est le cas de la Caïnée dans la vallée de l’Estéron.

Là encore, l’Histoire témoigne d’une troublante façon, malgré le peu de vestiges. Entre les villages de Toudon et d’Ascros à 55 kilomètres de Nice, sur la route pittoresque des balcons de l’Estéron, le touriste qui souhaite admirer le panorama qui s’étend sur une région sauvage de collines et de ravins creusés par l’érosion puissante des eaux torrentielles de l’hiver, s’arrêtera au hameau typiquement provençal de “ Végautier ”.

La vue plongeante bute au Sud sur une crête rocheuse dont le versant Nord est recouvert de pins et de chênes centenaires, un œil curieux remarquera des amas de ruines, quelques pans de murs et une longue bâtisse, c’est tout se qui subsiste de la Caïnée, village prospère du XVIIIème siècle, qui connut auparavant un passé aussi riche que ses voisins Las Croce (Ascros) Toudone et Pierrefeu ; pourquoi cette étrange disparition ?

Durante, dans sa “ Chorographie du Comté de Nice ”, avance une explication sur l’abandon de la Caïnée au XIVème siècle, ce qui n’explique pas l’importance de son occupation au XVIIIème siècle : “ Pierrefeu s’étant dans le Moyen Age constitué en municipalité, vit tellement s’accroître sa population, que l’excédent alla fonder le village inférieur de “ la Caïnea ”. Ce dernier rivalisait déjà avec le chef-lieu lorsqu’il fut détruit par les Angevins ; il ne reste plus qu’une chapelle dédiée à la “ Madone de la Balma ”.

On trouve cette habitation désignée dans l’histoire des Alpes-Maritimes sous le titre de “ Villa Caïnea ” ; son territoire fut érigé en fief par la Maison de Savoie. Le chef-lieu échappa aux désastres de l’époque et recueillit dans ses murs les malheureux habitants que la rage ennemie avait épargnée ”.

Voici quelques années, lorsque la Bibliothèque Nationale acquit 21 pièces sur parchemin datant de 1266 à 1621, que l’on nomma plus tard : “ Charte du Val de l’Estéron ”, celle-ci constituant une contribution à l’histoire si peu connue de cette vallée, un problème se posa quant à la localisation d’un lieu qui revenait souvent : la Cadenesa ou Cadeneda.

Tout tendait à prouver qu’il devait s’agir d’un village proche de Toudon et
Pierrefeu ; on l’identifia avec un quartier de la commune de Pierrefeu, baptisé la Caïnéa, francisé en Caïnée.

Cet ensemble de parchemins, étayé par la toponymie des lieux, révèle ce que pouvait être la vie de ce village disparu ; le visiteur ne pourra qu’être troublé par la vue de ce lieu aujourd’hui déserté par les humains et devenu très vite une partie sauvage de la nature.

Au fil du temps, suivons les chiffres de la population de la petite communauté. En 1263, le Bailly de Vence recense 6 feux pour l’imposition (environ 40 habitants). Lorsque les envoyés du Comte de Provence procèdent en 1308 à l’inventaire avant saisie des biens des Templiers, ils relèvent “ 3 services ” à la Caïnée. On compte 17 feux (110 habitants) en 1315, le double selon d’autres sources, mais en 1400 le lieu est déclaré “ déserté ”.

Il semble que l’attaque destructrice des Angevins se soit opérée en été 1388, lors de l’expédition conduite par le sénéchal Georges de Marle contre les partisans des Duras. La même année (1388), La Caïnée est inféodée à la Maison de Savoie, et n’en poursuit pas moins son existence.

Les statistiques sardes de 1754 révèlent que le village possédait un seigneur ou vassal, 18 chefs de maison et une population totale de 35 habitants ; dix ans plus tard, en 1765, le dénombrement de l’Abbé d’Expilly indique 24 maisons et 153 habitants ... Deux cents ans plus tard ne subsistent que quelques ruines grises, pour la plupart disparues sous la séné et les hautes herbes.

La vaste région qui entoure les ruines, limitée au Sud par le Mont Auvière et au Nord par le mont Brune, n’est plus de nos jours qu’un vaste maquis connu des bergers et des chasseurs. Au XVème siècle y poussait la vigne, le blé et les habitants de la Caïnée étaient les premiers producteurs de miel de la vallée.

D’après la lecture des droits du seigneur, qui reçut les biens du Duc de Savoie, on peut affirmer que la communauté, gérée par un officier représentant le maître, possédait : un four, un moulin, une forge, un pilori ! et bien sûr le tout coiffé d’une église et d’un château seigneurial.

Les premiers seigneurs de la Caïnée, rudes montagnards parlant la langue d’oc, liés à la noblesse rurale des environs, habitèrent leur manoir en nid d’aigle jusqu’en 1270, château dont il ne subsiste que les assises sur le haut de la crête.

Etienne Badat, de la famille consulaire de Nice, gentilhomme de la chambre de S.A.R., chevalier de Malte, fut investi en 1270 du fief de la Caïnée, ce fief fut aliéné en 1657.

Thomas Constantin fut en 1481 premier consul à Nice, il acquit le demi-fief de la Caïnée que ses descendants aliénèrent en 1673 en faveur des de Orestis. De Orestis Jean-Baptiste, acquit le demi-fief de la Caïnée le 29 Janvier 1674. Le fief fut aliéné par ses descendants.

Tous ces seigneurs de la Caïnée, riches notables résidant à Nice, dont le premier acquit le fief après une ténébreuse affaire où la victime fut, on s’en doute, le noble campagnard, se contentèrent de prélever les impôts, sans vivre dans ce lieu hostile.

Une preuve de la prospérité de ce fief montagnard : il intéressa les Templiers (avides de bonnes terres productives), qui y recueillaient trois services, et plus tard les nobles bourgeois de Nice, experts en affaires rentables. Quel fut le destin de ce village complètement rasé ? Une épidémie ? La peste peut-être, qui périodiquement venait rafler son tribut de victimes, un tremblement de terre ? ou encore un incendie précédé d’un pillage ? ...

Peut-être tout simplement après la création de la route carrossable Nice/Puget-Théniers en 1763 (l’actuelle en emprunte le tracé), les paysans s’en rapprochèrent et vinrent s’établir au “ Végautier ”.

Au cours de travaux de reboisement, des ouvriers d’Ascros mirent au jour le cimetière du village ... oublié lui aussi et s’identifiant avec le reste des ruines. Le visiteur remarquera un oratoire au bord du chemin, puis un pan de mur avec une belle meurtrière, enfin la longue bergerie délabrée, seuls vestiges solides d’un village mort, disparu en moins de deux cents ans.

Quand à la chapelle de N.D. de la Balme, située au Nord de la Caïnée, creusée dans une falaise sur les flancs du Mont Brune, son histoire s’identifie à la légende. Un ermite, réfugié là dans une grotte (balme), y découvrit la paix de l’âme dans l’isolement et la prière. Rien ne manquait à son doux paradis, il y trouvait l’eau fraîche d’une source, des fleurs, du miel, de tendres végétaux pour nourriture et même une chèvre lui offrant son lait. Hélas, sa quiétude sera perturbée par un diable tentateur qui ne parviendra pas à ses fins. Le Malin perdra ses deux cornes dans cette entreprise, l’une ouvrira une brèche dans le plafond de la grotte.

La chapelle clôt l’entrée de la balme, lieu de pèlerinage chargé d’ex-votos ; on y accède

depuis la route par un sentier balisé, tout comme les ruines de la Caïnée situéesen contrebas.

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton)

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr

Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur.

Dans cet univers tout est possible, puisque les outrances de la nature dépassent souvent les excès de l’imaginaire.

Les contes, histoires orales nées de la tradition populaire, attestent au travers du merveilleux de réalités historiques authentiques.

Reflets du passé, ces récits constituent les fondements de la mémoire collective d’un terroir au particularisme évident.

Edmond Rossi, écrivain niçois, auteur de différents ouvrages traitant de la riche histoire de sa région, témoigne à nouveau ici, en présentant une anthologie des contes les plus passionnants du Pays d’Azur.

Ce fabuleux florilège s’étend des mythes des origines aux relations insolites précédant l’apparition de la télévision, fatale à l’expression orale des veillées.

Les « Contes du Pays d’Azur » nous ouvrent la porte d’un  univers où l’émotion se mêle souvent à la magie du mystère.

Pour un temps, laissons-nous entraîner vers ce monde troublant pour y retrouver la chaude et naïve simplicité des récits de nos ancêtres.

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