30/04/2012
LES SARRASINS INSTALLÉS EN PROVENCE
L'installation des Sarrasins sur la côte des Maures pendant près d'un siècle, les ravages qu'ils firent subir à la Provence et qu'ils exercèrent avec audace de part et d'autre des cols des Alpes jusqu'au Valais tiennent une grande place dans l'histoire et surtout dans la légende. Sur ces évènements les textes dignes de foi sont très rares et le mystère qui recouvre cette période a suscité des affabulations qui ont frappé et frappent encore l'imagination populaire. Les chroniques arabes et byzantines ne font aucune allusion à cette installation des Sarrasins en Provence et les annales franques la mentionnent très sommairement, ce qui ramène l'importance de ces incursions à leur juste valeur de troubles régionaux. Le meilleur témoin de ces événements est l'évêque de Crémone Liutprand, mort en 972, qui vécut à la cour d'Hugues d'Arles et pouvait avoir une bonne information sur ce qui se passait en Provence.
D'après les textes, les bandes sarrasines étaient installées à poste fixe au Fraxinetum. La commune actuelle de La Garde-Freinet conserve encore aujourd'hui ce toponyme qui désignait probablement au Xe siècle, l'ensemble de la région qui s'étend entre le massif des Maures et la mer, d'Hyères à Fréjus. Si la tradition fixe le centre principal et fortifié des Sarrasins au fond du golfe de Saint-Tropez (peut-être à Grimaud qui était au Moyen Age le centre le plus important de la région), ils ont pu aussi établir plusieurs points fortifiés le long de la côte afin de protéger leurs liaisons maritimes avec les pays musulmans d'outre-mer. Quelques historiens, d'après certaines descriptions d'ailleurs imprécises, situent dans la presqu'île de Giens, et à l'Almanarre près d'Hyères, l'établissement principal des Maures, d'autres leur attribuent des tours apparemment romanes, sises le long de la côte, et notamment celles de Sanary et du Revest dans la région toulonnaise.
Les Musulmans, nous l'avons vu, s'étaient déjà livrés à d'importantes dévastations en Provence au début du VIIIe siècle et au milieu du IXe, mais ce n'est qu'à la fin de ce dernier siècle qu'ils semblent avoir réussi à établir une tête de pont sur la côte des Maures.
Le concile de Valence, chargé de couronner Louis roi de Provence en 890, se préoccupe déjà des ravages commis par les Sarrasins, responsables de l'abandon des terres et de la fuite des populations, ce qui laisserait supposer un établissement légèrement antérieur et contemporain des troubles qui ont agité le royaume de Provence après l'élection de Boson à Mantaille. Il peut y avoir une certaine concordance entre l'intensité des ravages des bandes et l'accentuation des luttes politiques dans le royaume.
Les principales dévastations en Provence se situent entre 900 et 910, époque où Louis l'Aveugle entreprend ses expéditions au-delà des Alpes et entre 925 et 940, au moment où Hugues d'Arles quitte la Provence pour l'Italie. Il est difficile de connaître avec précision les destructions opérées par des bandes qui comme les grandes compagnies du XIVe siècle devaient surtout dévaster le plat pays, pillant les villas et les monastères isolés sans oser s'attaquer aux villes fortifiées. On est cependant assuré de la prise et de la destruction de la cité épiscopale de Fréjus, mais à une date incertaine. Les documents ne parlent pas des autres cités de la Provence orientale ou alpestre : les listes d'évêques y sont interrompues, mais il est impossible de savoir si ces villes ont été abandonnées au pouvoir des Sarrasins ou si l'absence de documents sur ces régions s'explique simplement par un état d'anarchie et d'insécurité. On doit se résoudre à ne rien savoir durant ces périodes troubles du VIIe au Xe siècle sur les régions provençales qui s'étendent à l'est d'Aix et de Marseille et, de la Durance aux Alpes. Seules des fouilles archéologiques pourraient peut-être nous éclairer à ce sujet.
Dans le reste de la Provence quelques textes mentionnent seulement ça et là durant la période d'implantation des Musulmans sur la côte des Maures le passage des bandes sarrasines : à Apt et dans sa région vers 896, à Marseille et à Aix vers 923-925. Au début du Xe siècle on les voit apparaître également sur la Riviera ligure à Albenga et San Remo, et aussi dans les vallées alpines du Piémont où ils pillent les monastères de San Dalmazzo près de Coni et de Novalaise près de Suse.
Il paraît incroyable que les comtes du royaume de Provence aient supporté aussi longtemps sans réagir des dévastations qui paralysaient la vie économique du pays. En fait, en l'absence d'une armée régulière que ne pouvait leur offrir un gouvernement central en pleine décomposition, ils n'avaient à leur disposition que des levées tumultueuses de petits propriétaires. Qui plus est, les bandes sarrasines pratiquaient essentiellement la guérilla et les coups de main, les rares textes qui les concernent soulignent combien ils sont habiles à utiliser la protection des forêts et des montagnes et à fondre à l'improviste dans les vallées. A en croire nos chroniqueurs, ils surgissaient des cols des Alpes beaucoup plus que des rivages de la Méditerranée et, au fur et à mesure que l'on avance dans le Xe siècle, on voit croître leur audace, et leur champ d'activités s'étend tout au long des crêtes des Alpes jusqu'en Dauphiné, en Savoie et même dans le Valais et les Grisons.
Hugues d'Arles, après avoir assis avec quelque solidité sa souveraineté sur l'Italie, essaye de débarrasser la Provence et les Alpes de ces hôtes encombrants. Très judicieusement, il s'assure le concours de l'empereur de Byzance, car les Francs n'ont pas de flotte et en Méditerranée occidentale, seuls les navires grecs basés en Sardaigne affrontent encore avec quelque succès les escadres arabes. De fait en 942 les Byzantins bloquent le Fraxinetum par mer tandis qu'Hugues à la tête de contingents provençaux et piémontais presse les pirates dans leurs retranchements. Malheureusement cette campagne si bien commencée est interrompue par Hugues lui-même qui, apprenant que son rival Bérenger d'Ivrée menace de lui ravir son trône italien, traite avec les Sarrasins et les autorise même à occuper certains cols des Alpes en vue de l'aider à lutter contre son rival. A partir de cette date les bandes musulmanes semblent avoir commis moins de déprédations en Provence rhodanienne et porté leurs dévastations plus au nord dans les Alpes dauphinoises et savoyardes, retranchées dans quelques repaires, elles rançonnent les pèlerins et lèvent tribut sur les populations.
L'empereur Otton Ier avait engagé en 953 des négociations infructueuses avec le calife de Cordoue pour obtenir le rappel des bandes musulmanes des Alpes. Après avoir réorganisé le pouvoir impérial en Italie, il se préoccupe à nouveau en 968 d'une action à entreprendre contre les Sarrasins. Ce projet ne peut aboutir mais l'idée était dans l'air et sa réalisation fut provoquée quatre ans plus tard, à la suite de la fâcheuse capture par une bande sarrasine, au col du grand Saint-Bernard, de Mayeul, abbé de Cluny et de plusieurs pèlerins et voyageurs. Mayeul, issu d'une illustre famille provençale, était particulièrement lié avec Guillaume comte d'Arles. Sa fonction à la tête de la congrégation clunisienne en faisait un personnage de premier plan et sa capture eut un immense retentissement. Les moines payèrent rapidement l'énorme rançon de 1 000 livres d'argent qui avait été réclamée et des pourparlers s'engagèrent pour organiser une vaste coalition dans le but de déloger les Sarrasins des Alpes et de Provence.
On n'est pas beaucoup mieux renseigné sur l'expulsion des bandes que sur leur installation. La date même de la capture de Mayeul a été contestée : d'après les meilleures estimations il semble bien qu'il ait été fait prisonnier dans la nuit du 21 au 22 juillet 972 et que ce soit durant les deux années qui suivirent que se déroulèrent les diverses opérations qui amenèrent le départ des Sarrasins. Il y eut sans doute plusieurs attaques menées contre leurs repaires alpins, mais l'action principale fut dirigée contre le retranchement du Fraxinetum par le comte Guillaume et ses feudataires provençaux avec l'aide de renforts piémontais.
Avec le départ des Sarrasins s'achève une page particulièrement troublée de l'histoire de la Provence. Désormais les Musulmans ne tentent plus que quelques coups de main isolés sur les côtes et la sécurité est rendue aux campagnes provençales.
De Toulon à Nice la région côtière est soumise à l'autorité du Comte Guillaume qui distribue aux grands de son entourage et aux églises et monastères les terres abandonnées. Un rapide essor démographique et économique va rendre à la Provence sa prospérité d'antan.
L'honneur de cette victoire rejaillit sur Guillaume dit le Libérateur qui prend le titre de marquis et s'affirme comme le chef incontesté de la partie méridionale du royaume de Bourgogne. Aux multiples circonscriptions carolingiennes succède un comté unique de Provence où les successeurs de Guillaume exercent en commun les droits désormais héréditaires des anciens comtes : les propriétés et revenus du domaine royal et des menses comtales sont considérés comme des biens de famille : le roi de Bourgogne n'est plus qu'un souverain lointain et sans réelle autorité.( "Histoire de la Provence" (E. Privat éd - pages 108 à 111) par E. Baratier).
EXTRAIT DES "HISTOIRES ET LÉGENDES DES BALCONS D'AZUR": LA GAUDE, SAINT JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC, BÉZAUDUN, COURSEGOULES, TOURRETTES SUR LOUP, VENCE, SAINT PAUL DE VENCE, LA COLLE, ROQUEFORT LES PINS, VILLENEUVE LOUBET, CAGNES...
De La Gaude à Vence et au Broc, le vaste belvédère qui surplombe la Méditerranée et le Var reste méconnu. La région provençale des « Balcons d'Azur » renferme pourtant des trésors historiques et architecturaux qu'il est urgent de découvrir, au-delà de la splendeur des paysages. C'est à ce voyage insolite que nous invite l'auteur, le long d'un amphithéâtre, au cœur duquel s'égrènent les célèbres fleurons de LA GAUDE, VENCE, SAINT-JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC.
Passant tour à tour de la réalité des faits historiques, chargés de fabuleuses anecdotes, aux légendes, Edmond Rossi, auteur de divers ouvrages sur le passé et la mémoire des Alpes-Maritimes, a recueilli et réuni quelques moments singuliers de ces villages.
Le choix de La Gaude s'impose comme le centre de gravité de ce « triangle d'or» d'une richesse exceptionnelle. Aux limites de ce secteur, des vestiges témoignent également d'un passé où l'insolite nous interpelle pour mieux conforter la légende: chapelle oubliée de COURSEGOULES, fayard de BÉZAUDUN, tombeau mystérieux de TOURRETTES-SUR-LOUP, ruines austères de VENCE ou cachées de ROQUEFORT-LES-PINS, sentinelle fortifiée de SAINT-PAUL et abbaye de LA COLLE, châteaux de VILLENEUVE-LOUBET et de CAGNES.
La Gaude, célèbre pour son vin sera aussi l'inspiratrice de Marcel Pagnol pour sa « Manon des Sources ». D'Hercule à d'Artagnan venu arrêter le marquis de Grimaldi à Cagnes, laissez-vous guider par les fantômes des personnages, pour parcourir les vivantes ruelles de ces villages et la riante campagne alentour. L'agréable découverte de ces bourgs authentiques aux limites de la Provence, vous révélera bien d'autres trésors, dignes de ceux cachés là par les Sarrasins et les Templiers, bien présents dans tout ce secteur.
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28/04/2012
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09:18 Publié dans Blog, Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, Livre, MEMOIRE, TRADITION | Lien permanent | Commentaires (0)
23/04/2012
A TENDE: LUDOVIC LASCARIS MOINE, TROUBADOUR ET CAPITAINE
Après avoir guerroyé contre sa suzeraine, la célèbre Reine Jeanne de Provence, Guillaume Pierre II Lascaris, comte de Tende, seigneur de Vintimille, au seuil de la mort, rédige son testament et pour alléger sa conscience, il lègue “ 500 livres de Gênes aux frères mineurs de St Ludovic à Marseille pour les frais, à perpétuité, d’une messe quotidienne en suffrage de son âme ”.
Quelques années après sa mort, Jean et Antoine Lascaris, ses fils, prennent l’habit bénédictin dans le monastère auquel leur père avait effectué son legs. Le comté de Tende est alors fractionné en deux branches : celle de Tende et celle de La Brigue où s’installe Ludovic Lascaris, l’un des cinq fils de Guillaume Pierre II. Ludovic enfermé lui aussi dans sa jeunesse par son père dans un couvent, comme il était d’usage, afin de ne pas morceler le fief entre fils, va se dégager très vite de cette emprise. Il connut, lors d’une visite au château paternel, la très belle Tiburge, fille d’Astruge, marquise de Beuil, cousine du grand Isnard de Glandèves. Il en tombe amoureux, abandonne sa robe de moine et, vers 1356, il fuit avec elle et se réfugie pour servir dans les troupes de la Reine Jeanne.
Il s’y distingue par sa valeur et son habileté militaire, parvenant plusieurs fois à sauver la Provence des incursions de bandes de mercenaires composées de Bretons, d’Anglais, d’Armagnacs et autres aventuriers. Devenu célèbre en Provence, ce grand capitaine fréquente les luxueuses Cours d’Amour qui se tiennent à Signes.
Il y obtient un véritable triomphe par la lecture de petits poèmes en langue provençale parmi lesquels “ La Paurilha ” et “ Las miserias d’aquest monde ”. De plus, dans les joutes et tournois, il sait faire craindre le blason des Vintimille. Ce prototype de la noblesse provençale du XIVème siècle est décrit comme il suit par l’historien Gerolamo Rossi : “ C’était un Chevalier de la Table Ronde qui rêvait de châteaux enchantés, de vierges que l’on délivrait de mains brutales et, pendant qu’en cette extase, il prononçait un cantique amoureux, sa main droite s’agitait spontanément à la recherche d’une épée mais ne trouvait à sa place qu’une pauvre cordelière.
Il avait déjà solennellement prononcé ses vœux quand il vit la noble et agréable damoiselle Tiburge des seigneurs de Beuil, hébergée ces jours-là par la mère des seigneurs de Tende ... Le nouveau moine ne vit à ce moment là d’autre solution que la fugue pour assouvir sa passion et un enlèvement fut sa première action.
Il ne sut opposer à l’indignation des parents et à l’ire de ses coreligionnaires que son épée, qu’il allait utiliser si valeureusement au service de la Reine Jeanne, assaillie par de nombreux ennemis. Celle-ci le recueillit, ainsi que Tiburge et les enfants qu’il en avait eus.
Et ce fut justement sur les instances de la Reine que le Pape émit une bulle en vertu de laquelle Ludovic n’était pas tenu de regagner le couvent avant un laps de 25 ans. Mais Lascaris mourut avant le terme accordé, en le lieu de La Brigue dont il fut le premier à s’intituler seigneur, en 1376 ”. Guidice, qui traduisit ses œuvres, écrit ceci : “ Ludovic Lascaris fut un esprit si élevé dans la poésie provençale et dans les autres langues vulgaires, que personne n’a pu par la suite en imiter la douceur et les inventions ”.
Le seigneur de Tende et des vastes territoires autres que La Brigue sera Guillaume Pierre III Lascaris, frère de Ludovic.
Le destin mouvementé du fameux Ludovic Lascaris, célèbre à plus d’un titre, s’achèvera dans les murs du vieux château de La Brigue, agrandi pour être à la mesure du personnage.
D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),
En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com
ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr
Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur.
Dans cet univers tout est possible, puisque les outrances de la nature dépassent souvent les excès de l’imaginaire.
Les contes, histoires orales nées de la tradition populaire, attestent au travers du merveilleux de réalités historiques authentiques.
Reflets du passé, ces récits constituent les fondements de la mémoire collective d’un terroir au particularisme évident.
Edmond Rossi, écrivain niçois, auteur de différents ouvrages traitant de la riche histoire de sa région, témoigne à nouveau ici, en présentant une anthologie des contes les plus passionnants du Pays d’Azur.
Ce fabuleux florilège s’étend des mythes des origines aux relations insolites précédant l’apparition de la télévision, fatale à l’expression orale des veillées.
Les « Contes du Pays d’Azur » nous ouvrent la porte d’un univers où l’émotion se mêle souvent à la magie du mystère.
Pour un temps, laissons-nous entraîner vers ce monde troublant pour y retrouver la chaude et naïve simplicité des récits de nos ancêtres.
Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur
http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com
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