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16/12/2010

CONTE DE NOËL : A VENCE, OÙ FLEURIT L'AUBEPINE…

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Après avoir été accusée de la mort de son mari, André de Hongrie, trouvé étranglé dans son château d'Aversa, sa jeune femme de dix-huit ans, Jeanne, reine de Naples, comtesse de cette Provence qu'elle ne connaît pas, décide de quitter Naples pour aller en Avignon. La reine souhaite par cette démarche auprès du pape Clément VI être blanchie des soupçons qui pèsent sur elle. Un long voyage maritime la conduit alors jusqu'à Nice où elle débarque en octobre 1345. De là, elle rejoint Vence où elle décide de se recueillir avant de comparaître devant le consistoire de Clément VI.

Ce voyage avait mal débuté. En effet, l'éminence grise de son mari, le moine Robert, lui avait interdit d'emmener dans sa suite un jeune page provençal du nom d'Aubépin. Au fil des soirées, Aubépin avait su retenir l'intérêt de la reine en la berçant de ses douces chansons. Séduite, elle s'était Souvent laissée aller à l'écouter. Aussi elle regretta de devoir se séparer de sa présence et lui fit promettre en secret de venir la rejoindre avant Noël, dans cette Provence des rêves. La vie s'était organisée au château de Malvan, situé au-dessus de Vence. Jeanne continuait à gouverner ses vastes terres depuis ce manoir perdu au pied de la montagne, où un large panorama s'étend d' Antibes à l'embouchure du Var. Les chroniques ont décrit la reine Jeanne comme une femme douée d'un fort tempérament, et « d'un désir insatiable au lit », si bien que ses quatre époux ne purent jamais « l'appointer » suffisamment. Veuve, esseulée, elle se morfondait dans cet isolement champêtre lorsque les circonstances lui offrirent enfin l'occasion de se distraire.

Un soir, Aubépin se présenta au château, mécon­naissable, portant la barbe, sous l'aspect d'un troubadour de passage venu pour amuser la cour. Jeanne très vite reconnut sa voix et ses couplets enflammés. Le moine Robert étant parti en avant vers A vignon pour organiser l'entrevue de la reine et du pape, rien ne s'opposait à ce que le jeune page reprenne désormais sa place auprès d'elle.

Les fêtes de fin d'année approchaient et la reine décida de s'y apprêter dignement. On prépara son bain en faisant chauffer force chaudrons d'eau parfu­mée au jasmin, que ses suivantes versèrent dans un vaste baquet de chêne où elle trempa son corps voluptueusement. La chaleur du bain et les soins de ses servantes éveillèrent les sens de la dame qui invita son page à venir partager ces délices. Les jeux de l'amour complétèrent agréablement cette séance. Aubépin s'y révéla comme un partenaire acceptable en tout point. Chaque soir le nouveau favori venait chanter ses poèmes exaltés et partager ensuite la couche de sa  lascive maîtresse, en guise de suprême récompense. Très vite envié et jalousé, Aubépin savait doser le compliment et la caresse pour conserver ce rare privilège.

La passion aveuglant les jeunes amants, il fut convenu que la nuit de Noël, une des plus longues de l'année, serait consacrée au plaisir en dépit de son caractère religieux. Le soir venu les cloches de Vence et des villages alentour sonnent à toute volée. Après que le chapelain, messire de Vaugelade, eut expédié la messe de minuit, Jeanne se prépare à recevoir les hommages de son bien-aimé mais celui-ci tarde à venir. Impatiente, elle entend soudain les doux accords d'une viole suivis d'un chant venant du dehors. Elle se penche à la croisée pour mieux écouter les paroles de la douce sérénade et reconnaît dans l'obscurité la voix du ménestrel: c'est celle d'Aubé­pin! En proie au désir, Jeanne répond aux propos flatteurs en invitant son ami à venir la rejoindre sans plus attendre. C'est alors qu'un cri de souffrance répond à son appel. La voilà qui court au pied de la fenêtre pour recueillir le jeune page livide, mourant dans ses bras, un poignard planté dans le dos.

Folle de douleur, Jeanne quittera le château de Malvan, hanté par le cruel souvenir de celui qu'elle aimait.

Une vingtaine d'année plus tard, la reine repassa dans la région de Vence ; elle fit alors un détour pour venir en pèlerinage sur les lieux de cet amour perdu. Les murs gris de la sinistre demeure s'accordaient au trouble de son cœur. A l'endroit précis où le page avait rendu l'âme poussait un étrange buisson d'aubépine.

Jeanne se prosterna, éplorée, au pied de ce symbole d'un amour éphémère.

Lorsqu'elle caressa les branches de l'arbuste un miracle se produisit: il fleurit aussitôt.

Quelques mois plus tard, Jeanne de Naples, comtesse de Provence était décapitée.

Aujourd'hui le château de Malvan dresse encore deux pans de murs rongés par le lierre, sur un tertre rocheux accroché au versant oriental du puy de Tourrettes.

Les ruines du manoir dominent le vallon desséché qui lui donna son nom.

En ce lieu, les buissons d'aubépine parsèment abondamment les pentes incultes.

 

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en téléphonant au 04 93 24 86 55

Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur. Dans cet univers tout est possible, puisque les outrances de la nature dépassent souvent les excès de l’imaginaire. Les contes, histoires orales nées de la tradition populaire, attestent au travers du merveilleux de réalités historiques authentiques. Reflets du passé, ces récits constituent les fondements de la mémoire collective d’un terroir au particularisme évident. Edmond Rossi, écrivain niçois, auteur de différents ouvrages traitant de la riche histoire de sa région, témoigne à nouveau ici, en présentant une anthologie des contes les plus passionnants du Pays d’Azur. Ce fabuleux florilège s’étend des mythes des origines aux relations insolites précédant l’apparition de la télévision, fatale à l’expression orale des veillées. Les « Contes du Pays d’Azur » nous ouvrent la porte d’un  univers où l’émotion se mêle souvent à la magie du mystère. Pour un temps, laissons-nous entraîner vers ce monde troublant pour y retrouver la chaude et naïve simplicité des récits de nos ancêtres.

 

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