25/02/2011
CONTES ET LÉGENDES DES ALPES MARITIMES : «L'ELDORADO» D’ARGENTON A AURENT…
La vallée de l'oret de l'argent, perdue au milieu de deux chaînes de montagnes culminant à plus de deux mille mètres d'altitude sur les confins sauvages des Alpes Maritimes et des Alpes de Haute Provence, n'est fréquentée que par quelques rares bergers solitaires y poussant leurs troupeaux transhumants. Ce vaste canyon désolé, où serpente un mince filet d'eau gonflé seulement par les orages d'été, aboutit au village abandonné d ' Aurent (le pays de l'or des Romains), plus bas sur sa rive, s'accroche le hameau d'Argenton à l'étymologie évidente, où vivent encore trois ou quatre habitants.
Sur les cartes géographiques cette combe hostile s'étire parallèlement à la haute vallée du Var sur une trentaine de kilomètres, baptisée tour à tour vallon des Pasqueires, puis ravin de Grosse Plane, pour devenir enfin près d ' Annot le Coulomp et bifurquer pour rejoindre le Var à Pont de Gueydan.
Pour atteindre Aurent point de route carrossable, seule une piste au départ du col de Fa accessible depuis la vallée du Var; Argenton est toutaussi isolé puisque ne pouvant être rejoint que par le village de Méailles, au-dessus d'Annot.
Cette vallée à son début traverse un paysage de planète morte, jadis recouvert de vastes forêts comme l'attestent des textes du Moyen Age. Terre de confins entre le Royaume de France et les Etats de Savoie, «l'Eldorado» à cause de ses richesses fut disputé durant des siècles par les communes environnantes pour aboutir enfin à un statut très particulier.
La montagne de Pasqueires, où naît la vallée, voisine avec les territoires de Colmars, Castellet, Sauze, St Martin et Villeneuve d'Entraunes. Elle était au XVème siècle couverte de pâquis (pâturages), de bois touffus de sapins et de beaux mélèzes. Les pâturages seuls rapportaient parfois 300 livres. D'abord propriété de Valle-Clusa et de Pierre de Léone, elle fut achetée le Comte de Savoie et louée en emphytéose à la commune de Villeneuve in perpétuum. S'il est par admis que les Ligures, premiers habitants des lieux, retiraient du minerai d'argent au bas de la vallée, la tradition veut que l'or soit également présent dans les limons charriés par les eaux temporaires du vallon. Ainsi apparaît le double intérêt de cette terre offrant ses ressources sur et sous le sol.
Le Pasqueires est devenu pour ces raisons évidentes une inépuisable matière à procès, il a valu, à la longue, la faillite de la commune de Villeneuve acharnée à le posséder. En 1698 et en 1773, les deux sommets de son histoire, la communauté fut invitée à présenter ses titres comme locataire, puis comme propriétaire. II a fallu compulser le vieux «Léopardus» des archives de Turin, transcrire sur parchemin toutes les inféodations et reconnaissances ducales. Le Pasqueires était soumis à la taille, puis devint terre d'immunité comme les biens d'église. Par le traité d'échange conclu à Turin le 14 mars 1760 entre le Roi de France et le Roi de Sardaigne, le versant cédé à Villeneuve se trouve compris dans les territoires passés à la France, quoique le village reste en pays sarde. La France doit-elle reconnaître l'immunité octroyée par la maison de Savoie ou bien peut-elle soumettre la montagne à l'affouagement ? Gros procès, pour lequel vingt notaires ou avocats ont écrit quantité de mémoires. Les raisons en faveur de l'exemption prévalurent.
Aujourd'hui le Pasqueires absolument chauve est moins tentant, quant à l'or et l'argent tirés de ses flancs ce n'est plus qu'une légende colportée par les bergers et les chasseurs de chamois qui parcourent-encore ces solitudes.
AURENT RENAISSANCE D’UN VILLAGE OUBLIÉ…
Et si la machine à remonter le temps n'était qu'un simple chemin de randonnée? Pas besoin de formule magique. Juste ses pieds et une bonne carte pour changer d'époque. Quarante-cinq minutes de marche dans une nature luxuriante avant l'arrivée, Aurent dans les Alpes de Haute Provence : un bond au milieu du XXe· siècle. Un retour en arrière à mesure que l’on avance. Pour découvrir enfin un lieu qui ne veut pas se moderniser.
Connaissez-vous Aurent un ancien village aujourd’hui abandonné niché au creux d’une verte vallée près des sources du Coulomp, affluent du Var ?
Déjà au XIe siècle s’élevait là une motte castrale. Au début du XIXe une auberge, un poste de douane regroupait une brigade d’agents à cheval témoignaient de sa vitalité au voisinage de la frontière avec le royaume de Piémont-Sardaigne. La dernière habitante du village est morte seule en 1936.
La vie en 1936
Sous la végétation, les maisons, en pierres d'époque, tentent de se faire une place. Tombées en ruines entre 1936 et 1960 au moment où le village était inhabité, elles reprennent aujourd'hui des couleurs. Depuis vingt-cinq ans, elles sont retapées par André, sa famille et ses amis: « On vient ici tous les étés. Ça nous permet de nous ressourcer avec nos proches. Nous sommes une quarantaine pendant quinze jours. On en profite pour réhabiliter notre havre de paix », indique celui qui habite toute l'année près d'Avignon. Ce changement de cadre est leur oxygène. Alors, dans leur reconstruction, ils s'attachent à préserver l'esprit d'antan. Nettoyer son linge au lavoir, vivre sans téléphone et produire sa propre électricité avec un petit coup de pouce de la technologie. Une tranche de vie qui date de plus d'un demi-siècle pour ces citadins. Ce patrimoine, ils le transmettent aux randonneurs dans le petit musée qu'ils ont créé. Il abrite du matériel d'agriculture, des photos d'époque, des journaux aux noms oubliés et ce carnet daté du 20 avril 1915...
Dans ce village où le temps semble s'être arrêté et qui n'aura certainement jamais d'accès par la route, la question posée il y a 95 ans demeure éternelle: « Est-il vrai de dire que le temps perdu ne se rattrape jamais? » Quand on voit Aurent, on veut bien croire que oui. Et c'est parfait comme ça.
S'y rendre :
A 1 h 20 de Nice, direction Digne. Puis prendre vers Guillaumes après Entrevaux. A Enriez, monter vers Castellet Ies Sausses puis vers le col du Fa. Après la partie goudronnée, continuer sur la piste. Il faut passer un grand champ et arriver dans un virage en épingle vers la droite où se garer. Marcher sur la voie sans issue vers Aurent.
Gite d’étape ouvert dans l’ancienne école pour passer la nuit.
D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),
En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com
ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en téléphonant au
04 93 24 86 55
Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur.
Dans cet univers tout est possible, puisque les outrances de la nature dépassent souvent les excès de l’imaginaire.
Les contes, histoires orales nées de la tradition populaire, attestent au travers du merveilleux de réalités historiques authentiques.
Reflets du passé, ces récits constituent les fondements de la mémoire collective d’un terroir au particularisme évident.
Edmond Rossi, écrivain niçois, auteur de différents ouvrages traitant de la riche histoire de sa région, témoigne à nouveau ici, en présentant une anthologie des contes les plus passionnants du Pays d’Azur.
Ce fabuleux florilège s’étend des mythes des origines aux relations insolites précédant l’apparition de la télévision, fatale à l’expression orale des veillées.
Les « Contes du Pays d’Azur » nous ouvrent la porte d’un univers où l’émotion se mêle souvent à la magie du mystère.
Pour un temps, laissons-nous entraîner vers ce monde troublant pour y retrouver la chaude et naïve simplicité des récits de nos ancêtres.
Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur
16:20 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0)
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