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"UN PEU D'HISTOIRE" LES CHRONIQUES DE "NICE MATIN"D'EDMOND ROSSI

A CAGNES, LA LÉGENDAIRE ABBAYE DE SAINT VÉRAN

A CAGNES, LA LÉGENDAIRE ABBAYE DE SAINT VÉRAN

Un personnage illustre issu de Lérins, Saint Véran, va marquer de son empreinte la vie religieuse de la région au Vème siècle. Il sera à l'origine d'un important monastère qui portera son nom, édifié sur les bords du Loup entre Cagnes et Villeneuve-Loubet. Sa vie débute avec le curieux destin de son père, Saint Eucher, futur évêque de Lyon, fils d'un préfet des Gaules à Trêves. Marié tôt, il avait eu deux fils: Salone et Véran. Au moment de sa conversion il voulut suivre les principes de la vie monastique, mais se retirer du monde constituait un abandon de famille. Après avoir parlementé avec sa femme, ils décidèrent d'un commun accord de se séparer. Eucher se retire à Lérins, mais vers 413 il s'établit sur l'île Sainte Marguerite où sa femme le rejoint avec ses deux enfants, Salone avait huit ans et Véran dix. Parvenu à l'âge de douze ans, Véran s'éveille alors à la vie méditative de l'île aux moines. Son père, jugeant de sa nature contemplative, lui dédie alors «Les formules de l'intelligence spirituelle», Salone, plus intellectuel, reçoit «Les questions sur le vieux et le nouveau testament». Les deux enfants sont placés sous la tutelle spirituelle du prêtre Salvien, compagnon du fondateur de Lérins. Salvien est lui aussi natif des alentours de Trêves et de Cologne, il appartient également à l'entourage de l'aristocratie païenne du préfet des Gaules. Comme Saint Eucher, il s'est séparé de sa femme et de sa fillette pour se retirer à Lérins.
Saint Hilaire et Saint Vincent s'occupent des deux enfants, à qui ce dernier dédia le traité «De Gubernatione», Salone, devenu prêtre, s'installe à Marseille dans l'entourage de Jean Cassien qui vient de fonder l'abbaye de Saint Victor.
C'est au milieu de moines célèbres et de pères de l'Eglise que les deux frères s'épanouissent et se développent: Vincent de Lérins, Apollinaire, Salvien, Césaire, Hilaire, ces noms prestigieux de l'Eglise de Provence impulsent un élan spirituel qui éclatera jusqu'au Xème siècle.
Comme Honorat, appelé au siège d'Arles où il sera suivi par Hilaire et son disciple Césaire, Véran et Salone après avoir reçu l'habit monastique des mains de Maxime troisième abbé et futur évêque de Riez, deviendront en 451 évêques de Vence et de Genève.
Véran très en cour est chargé de diverses missions auprès des papes. Il continue de mener de front la vie ascétique et la vie apostolique.
Mais c'est durant les invasions que Véran va montrer toute son influence. Les Goths envahissent la Provence, l'arianisme se développe et les misères pour les chrétiens fidèles au Pape allaient commencer. Les moines de Lérins, installés sur les sièges épiscopaux de toute la Gaule, jouent ensemble un rôle important en se dressant contre les envahisseurs pour protéger les populations.A l'exemple des autres évêques de Provence, Véran suivi des habitants de Vence quitte la ville. Mais l'exil sur les Baous ne durera pas. Pour dénouer la situation, il décide «plein de foi et de courage» de partir à la rencontre d'Euric, roi des Wisigoths de Toulouse, établi avec ses troupes sur la rive droite du Loup. «Animé d'une force surnaturelle» (citations de Tisserand) il lui parle et le bénit, la tradition rapporte que l'Eglise de Vence et le diocèse furent épargnés par cet acte héroïque.
Plus belle est la légende qui rappelle qu'Euric, après avoir pillé Arles, Marseille, Toulon, détruisit Fréjus et Antibes; Gratien, Léonce et Valère les courageux évêques de ces pauvres villes payèrent de leur vie leur dévouement aux populations.
Véran bien qu'informé de ces atrocités n 'hésita pas à affronter le Barbare. Nous étions le soir, le roi Euric après l'avoir menacé de son épée, la planta dans un chêne, promettant la vie sauve à l'évêque si la lame fleurissait avant l'aube! ... A la suite d'un terrible orage, le miracle s'opéra; un liseron rouge enlaça l'épée. Euric impressionné tint sa promesse, épargnant Véran et son diocèse, nous étions en 470. Pour commémorer l'événement, une chapelle fut édifiée sur la rive gauche du Loup et le quartier prendra le nom de Saint Véran. Bientôt, sous l'impulsion des moines de Lérins, un moustier est établi en ces mêmes lieux pour que toute cette région reprenne vie et richesse par le travail et la prière grâce à la culture au fil des saisons. Véran mourut en 492 son corps déposé dans un sarcophage fut placé dans l'église de Vence qu'il avait si bien su protéger. Devenu une abbaye célèbre, le monastère de Saint Véran possédait dans l'un de ses bâtiments un oratoire où brillait une icône dorée. Cette image protectrice que l'on désigne sous le nom vénéré de la Dorée ou la Dorade attirait de nombreux pèlerins. Charlemagne se rendant en pèlerinage à Rome s'arrêta au monastère de Saint Véran et après l'avoir richement doté l'exempta de «toute redevance et de toute espèce de servitude». L'abbaye prospéra, les moines nombreux forment alors le Canadel (le futur Cagnes-sur-Mer), un moulin tourne au bord du Loup où des moines s'activent, d'autres comme passeurs aident au franchissement du fleuve. Ce lieu florissant sera plus tard dévasté par les terribles Sarrasins et son histoire se perdra dans la mémoire des hommes.
Le monastère possédait des prieurés dans les vallées de la Cagnes, du Loup et de L'Esteron, il sera cédé en 1050 à l'abbaye de Lérins. En 1862 Tisserand indique encore la présence sur les bords du Loup d'une modeste chapelle. Les travaux de l'autoroute, plus déterminés que les barbares d'Euric, anéantiront en 1974 les derniers vestiges rappelant l'exploit du Saint, évêque de Vence.