Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

"UN PEU D'HISTOIRE" LES CHRONIQUES DE "NICE MATIN"D'EDMOND ROSSI

LE MYSTÉRIEUX TRÉSOR DU CASTELET DE SAINT JEANNET

LE MYSTÉRIEUX TRÉSOR DU CASTELET DE SAINT JEANNET

Circulant entre Saint Jeannet et Vence, aux abords de la Cagne, votre regard a probablement été attiré par une construction isolée, dressée à l’est au sommet d’une crête dominant la vallée.
Il s’agit du Castellet avec sa tour-donjon accolée à une longue bâtisse sans étage. Aujourd’hui, partiellement ruiné, ce petit château, comme son nom l’indique, occupe un point défensif privilégié au milieu des solitudes de la garrigue, à l’extrémité d’un monticule situé à l’ouest du célèbre Baou de Saint Jeannet. Protégeant le passage d’une voie donnant accès à la haute vallée de la Cagne (Coursegoules, Bézaudun), cette construction a repris l’emplacement occupé par un castellaras (enceinte préhistorique) édifié en éperon barré, comme l’atteste les fondations en gros blocs appareillés.
Le Castellet apparaît dans l’Histoire en 1250, grâce au testament du légendaire Romée de Villeneuve, premier baron de Vence et sénéchal de la Provence (dès 1236). Voyageant de château en château, bien que sa résidence favorite soit Villeneuve Loubet, il rédige son testament aux Arcs. Atteint par la fièvre (il ne décédera pourtant qu’en 1257), il désigne comme héritier direct et universel son fils Paul. Il lui lègue la seigneurie de la Gaude, St Jeannet, le Castellet et la co-seigneurerie de Vence. Il demande que son second fils Pierre rentre dans les ordres pour devenir dominicain, que sa fille soit élevée dans un monastère, que ses dettes soient réglées en vendant ses biens de Villeneuve et Cagnes, enfin que l’on vende “ tous ses esclaves sarrasins ou qu’on les rende libres ”. A la lecture de ces actes, il apparaît qu’au XIIIème siècle la seigneurie du Castellet est tout aussi importante que ses voisines de La Gaude ou St Jeannet. Le Castellet sera encore cité en 1309, un an après la saisie des biens des Templiers, avant de disparaître des chroniques pour rentrer ensuite dans la légende.
Après environ deux heures de marche, par un bon sentier balisé, au départ de la chapelle de N.-D. des Champs, située à l’ouest du village de St Jeannet, on découvre une importante bâtisse quadrangulaire à étages, haute d’une dizaine de mètres, partiellement délabrée, adossée à une vaste bergerie. Les génoises, les fenêtres géminées, les voûtes des étables attestent d’un aménagement au XVème siècle de cette belle ferme seigneuriale fortifiée. Les destructions sont imputables aux obus tirés par la marine alliée en Août 1944 lors du débarquement.
Mais par-delà l’Histoire, le Castellet est l’objet d’une légende tenace, rapportée par Bérenger-Feraud dans son ouvrage de 1887 “ Contes populaires des Provençaux de l’Antiquité et du Moyen-Age ”. Cette révélation fait état d’un cousin de Romée, Arnaud de Villeneuve, médecin, astrologue et alchimiste illustre au Moyen Age.
Ce savant universel fit halte chez son cousin Paul en 1296, en son château de La Gaude et séjourna dans son manoir du Castellet, alors qu’il avait quitté le pape Boniface VIII à Rome pour se rendre à Paris.
Né en Catalogne (comme le père de Romée), vers 1245, Arnaud avait été nommé en 1285 premier médecin du roi d’Aragon Pierre III.
Ayant soutenu des thèses peu orthodoxes, il fut excommunié et dut se réfugier auprès de Frédéric le Beau en Sicile. Quelques temps après, de nouveau envoyé en France pour soigner le pape Clément V, il périt en 1313 dans la traversée près de Gênes. Il fut, dit-on, le maître de Raymond Lulle dit “ l’Illuminé ”, auteur du Grand Art (Ars Magna) 1275. Arnaud de Villeneuve réussit à Rome (devant la cour pontificale) la mutation du fer en or et chercha le secret de la pierre philosophale.

Pourquoi le séjour d’un tel érudit dans ce modeste castel isolé ? D’après l’ “ Ars transmutatoria ” attribué à Jean XXII, certains lieux où s’activent les forces telluriques favoriseraient la transformation de la matière, d’où le choix probable de ce promontoire calcaire au contact de la ligne de faille de la Cagne. Ces conditions exceptionnelles expliqueraient la présence de ce célèbre chercheur dans un endroit aussi singulier.
Mais la légende est rejointe et confirmée par la réalité lorsqu’en 1938, l’occupant de la bergerie - un certain Janin Trastour - découvre dans un mur une poterie remplie de pièces d’or et de curieux lingots de taille réduite de même matière ! Incrédule, le pâtre aurait confié son secret à un ancien du village, M. B. Gastaud, disparu depuis ...
N’oublions pas que les crêtes des Baous dominant Vence servirent de refuge aux populations lors des invasions successives du Moyen Age, puis des périodes troublées qui suivirent. A chaque menace, les familles s’abritaient sur ces hauteurs avec leurs biens les plus précieux, en attendant que le péril s’éloigne.
Le trésor du Castellet provenait-il des restes laissés là par l’alchimiste Arnaud de Villeneuve, à la suite de fructueuses expériences menées en ce lieu propice ? Ou bien s’agit-il tout simplement du magot de quelque notable fortuné de St Jeannet, venu cacher là sa “ pignata d’or ” loin du danger des pillards ?
Toujours à l’écart des vivants, insolite et muet, le nid d’aigle du Castellet conserve dans ses flancs, par-delà les siècles, le secret d’un trésor oublié.